top of page

Théâtre

Dernière mise à jour : 4 juil. 2023

Cette chanson s’insinue dans mes narines et me rappelle, me rappelle. Me rappelle le son de ta voix, pour parler de paillettes, de leurs vêtements pour nous entourer bien que tu n’aies jamais su. Oh, tu ne sauras jamais, car ce serait bien inutile, aujourd’hui. Cette chanson me rappelle, me rappelle, le goût de ce sourire que je n’ai jamais pu toucher, de cette défaite que j’ai prise de haut quand toi, quand toi. Cette chanson me rappelle, me rappelle, l’odeur de ta peine, de ta maladresse, quand je n’osais pas, ne croyais pas, quand je te laissais partir alors que tu me suppliais de te retenir. Cette chanson me rappelle, me rappelle, la sensation de ton rire sur ma peau, de ta personnalité dans mon verre d’eau, dans la danse tonitruante sous tes pas. Cette chanson me rappelle, me rappelle, tout ce que je ne voyais pas dans tes mots, dans cette pièce noire, cette pièce qui avait toute la lumière de ma vie. Cette chanson me rappelle, me rappelle, combien tu chantais, sans vraiment chanter, malgré ma voix qui rêvait de te suivre. Cette chanson me rappelle, me rappelle, toutes ces heures, toutes ces nuits, tous ces mots que nous échangions, sans y penser ou en y pensant trop. Cette chanson me rappelle, me rappelle, tout ce que je n’ai pas dit et n’ai pu oublier, ton souvenir qui jamais ne disparaîtra. Cette chanson me rappelle, me rappelle, un peu ta mort aussi, toute cette eau et tout cet air que j’ai brassé, un peu ta vie aussi, ces moments en vélo que j’étais seul à connaître avec toi. Cette chanson me rappelle, me rappelle, un peu ta douceur et ta chaleur, et ce froid dans ta mort aussi, cette rigidité que mes doigts sentent encore. Cette chanson me rappelle, me rappelle, combien j’ai pu rire sans tes bras, combien j’ai pu croire à ces joies. Cette chanson me rappelle, me rappelle, le petit son de vos danses, de leurs mouvements sans moi, qui ne faisais que regarder, et qui vivais pourtant, ces années si difficiles et pourtant si belles, ces bouffées de fraîcheur dans mon abîme corrosif, ces braises qui consumaient déjà mes poumons sans que j’ose les regarder en face. Cette chanson me rappelle, me rappelle, un peu ta vie aussi, et ce quartier, ce restaurant, un peu ces souvenirs qui auraient pu s’envoler, un peu ton nom aussi, ton nom qui me suit partout, ton nom qui s’est effacé quand tes yeux se sont fermés. Cette chanson me rappelle, me rappelle, un peu ta mort aussi, de plus loin, de plus tard, ta mort d’adulte quand elle n’était qu’enfance. Cette chanson me rappelle, me rappelle, les tigres et les léopards, les fleurs et le satin, toutes ces couleurs et ton rire. Cette chanson me rappelle, me rappelle, des poursuites dans la cour, des sous-entendus que nous étions seuls à comprendre, une complicité qui déformait les mots sans limiter notre compréhension, ce soleil et ces jeux que tu ne comprendrais plus. Cette chanson me rappelle, me rappelle, le prénom que je porte et toutes les personnes qui vivent encore dedans, tous les souvenirs qui volent et dansent dans ces trois lettres, Leo. Cette chanson me rappelle, me rappelle, un peu ta mort aussi, plus récente, plus poignante, ta mort d’enfant quand elle était si pleine d’années adultes, cette chaleur et cette chanson, cette autre, qui m’entraîne toujours dans ton sillage. Cette chanson me rappelle, me rappelle, un peu ta vie aussi, un peu ton rire et ton sourire, pour me faire oublier tous mes soucis parce que la pièce n’était jamais assez grande pour ta joie et mes peines. Cette chanson me rappelle, me rappelle, orange et jaune, tasse de thé, insectes et douche de vers. Cette chanson me rappelle, me rappelle, cette force et cette peur, solide sur mes pieds mais le coeur au bord des lèvres, ces mots que je devais prononcer en m’agrippant à toi, ces mots que je ne comprenais pas, ou trop bien. Cette chanson me rappelle, me rappelle, l’autonomie et les gommes, la clarté et les méprises, les légumes et le bonnet, deine Mütze, la révolution et la liberté. Cette chanson me rappelle, me rappelle, tous les anges qui ont pu passer, te découvrir, t’enterrer. Cette chanson me rappelle, me rappelle, les douleurs de ton rire et de ces poèmes que tu ne pouvais apprendre, la porte transparente qui n’a jamais empêché les autres de nous entendre. Cette chanson me rappelle, me rappelle, tant d’années plus tard une tente et des brins d’herbe, des questions, des idoles. Cette chanson me rappelle, me rappelle, cet argent dans tes cheveux, et les pics dans les miens, les phoques et les glaces, les platines et ton passé si présent. Cette chanson me rappelle, me rappelle, la baignade et l’espadon, l’arche et les douleurs. Cette chanson me rappelle, me rappelle, tes yeux que je ne pouvais voir, et ces concours que je ne pouvais perdre, bras de fer à demi-poing. Cette chanson me rappelle, me rappelle, un peu ta cage aussi, un peu tes larmes sur mes joues, l’amertume de ce cadeau empoisonné. Cette chanson me rappelle, me rappelle, la douceur des promenades, les pédales du vélo qui rassuraient mes pieds, qui rentraient dans ma peau pour me rappeler que j’existais, que j’étais exceptionnel, que j’étais fort et que bientôt tu m’abandonnerais. Cette chanson me rappelle, me rappelle, le jardin et la couleur de ses odeurs, ta présence dans le sable, ton rire et tes idées, pour m’entraîner, ton perroquet et tes yeux, ton pantalon et mes chaussures qui n’existaient déjà pas. Cette chanson me rappelle, me rappelle, toutes tes fantaisies et tes idées saugrenues, ces chips et ces pensées, ces idéaux et ce lit trop bas, ces peluches et cette connivence. Cette chanson me rappelle, me rappelle, le goût du poisson que je n’ai jamais connu, les arêtes et cet arrêt, les bulles et la défaite. Cette chanson me rappelle, me rappelle, ce château et ton parc, tes lèvres toujours comme hésitantes, si glissantes pour mon coeur, tes dents et ton accent, ton petit nez et Randy Orton. Cette chanson me rappelle, me rappelle, ce que je n’osais pas te dire, je te parlais de ces autres, tu me parlais des tiens et de celui qui s’approcha trop près, jaloux de moi pourtant, qui n’ai jamais touché tes lèvres, lui qui n’a jamais touché ton coeur. Cette chanson me rappelle, me rappelle, combien j’ai envie de te serrer contre moi, de t’emmener courir à la belle étoile, dans les eaux ou les airs, dans tes bras mes étoiles, dans tes yeux mes nuits à plus finir. Cette chanson me rappelle, me rappelle, ce que je te dirais si tu voulais, ce que je ferais si tu pouvais, ce que tu n’as jamais fait dans cette petite maison. Cette chanson me rappelle, me rappelle, le son de ton crâne et la purée, les piles et la bague, le plancher et les aimants, le plâtre et ta stupidité, toi qui m’as abandonné. Cette chanson me rappelle, me rappelle, un peu ta mort aussi, dans mon coeur asséché, un peu tes désertions et tes boniments. Cette chanson me rappelle, me rappelle, la fenêtre sur cour et le cours sans fenêtre, l’acier de ton regard et de tes mots blessés, mon tort trop grand et ma voix trop petite. Cette chanson me rappelle, me rappelle, tout ce que j’ai perdu et ton short, tes talents et Antigone, les motos et la râpe à fromage, la mélatonine et les taches de rousseur, les reflets de camomille sur l’eau, mon oeil dans ce verre, cette voix que j’oublie. Cette chanson me rappelle, me rappelle, que je t’aime, peut-être. Un simple petit air au flûtiau, et mon esprit m’emmène si loin, me fait retrouver tant d’amours et d’amour, tant de souvenirs disparus, tant de secrets non avoués. Je suis peut-être légèrement mélomane. Ma mâchoire suspendue à ses lèvres, elle qui chante comme on poignarde, qui vibre comme on agonise.


13 novembre 2019.

19 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Submergé, sous la neige

La neige, c’est la vie c’est un sourire, ce sont les étoiles qui descendent sur le sol pour faire briller tes yeux, ce sont les fées qui veulent nous aider à voler plus haut, ton coeur et le mien en g

Rêves envolés

Je rêvais d’avoir une famille. Je rêvais d’aller bien, d’être aimé, choyé, d’être en sécurité. Je rêvais de rire et de chanter avec une mère, un père, des adelphes, des gens que j’aimerais et qui m’ai

Des couteaux dans l'âme

Chaque petite imprécision, chaque petite incompréhension, chaque instant de flottement. Chaque sourire maquant de sympathie, chaque regard peu chaleureux, chaque air condescendant. Chaque geste rapide

bottom of page