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Sang Spirale

Dernière mise à jour : 4 juil. 2023

Ce n’est pas comme si je n’avais pas conscience de ce qui m’entoure. Ni comme si je pouvais lutter contre ces impressions. Ni même comme s’il suffisait de regarder une chose pour y croire. Simplement, je ne vis pas dans ce monde. Oh, bien sûr, je sais qu’il s’agit de la “réalité”, que mes actes impliquent des conséquences, que je vis vraiment ces instants. A partir du moment où l’on imagine, tout peut exister. Mais voilà : je suis de ces gens qu’on peut traiter de fous, de malades, de rebelles, d’idiots, d’illusionnés, de fantasmagoriques, d’utopistes; et il se trouve que j’en ai parfaitement conscience également. Loin de moi l’idée de me targuer d’une quelconque supériorité par rapport à je ne sais qui, je ne sais quoi. Je suis peut-être simplement malade. Mais ce monde n’est pas le mien. Mon esprit se meurt, enfermé dans un étau violent, il résiste et se débat pour trouver un semblant de liberté, pour garder un ersatz d’espoir. Mon corps profite, mon corps subit, mon corps envoûte et désagrège l’atmosphère pesante, mon corps lutte pour se libérer de la prison mentale dans laquelle il a dû naître. Ces maux de tête, ces convulsions, ces cris, ces larmes, ces angoisses, ces paniques, ces crises, ces questionnements, ces violences, tout ceci n’est que l’ultime sursaut d’une vie qui ne se veut pas privée de son être. Qu’importe si cette réalité est bien “LA bonne”, j’en ai des tas d’autres en réserves, des mondes plus ou moins crédibles pour un habitant de celui-ci, des refuges et des pièges, des espiègleries de l’esprit qui me mènent vers des horizons imprévisibles, incontrôlables et inaltérables. Peut-être est-ce simplement mon imagination trop prolifique et légère qui me joue des tours, qu’importe. Après tout, la réalité est partout. Et la mienne est ailleurs, dans ce monde idéal que je découvre chaque jour, chaque nuit, ce monde qui m’a bercé depuis toujours, et qui de jour en jour s’étiole, comme si m’enfoncer dans cette existence me privait de la vraie, comme si l’image derrière la vitre s’effaçait pour laisser place à un miroir brisé. Dès le premier jour, j’ai compris que rejoindre cet endroit se faisait involontairement, souvent lorsque je ne m’y attendais pas. Mais j’ai toujours voulu pouvoir décider moi-même du lieu et de l’instant où j’y pénétrerais, cette volonté de tout contrôler, de tout comprendre. Le problème est épineux : puisque cette réalité m’agrippe, m’empoigne chaque jour un peu plus, et tente de prendre le contrôle total de mon esprit, tel un Goa’ uld gouvernant un humain, je cherche à m’en évader, à détruire cette réalité parasite, à me libérer... Le moyen le plus vident est de détruire la mauvaise réalité. Cette solution s’impose à moi depuis des années, mais provoquer la mort de l’une de mes existences ne m’enchante pas. Des rêves, des impressions, des bugs, des instants morts : autant de moments où peut émerger l’image de ma peau ouverte, laissant fuir l’élixir de vie, projetant des gerbes rouges sur les souvenirs fallacieux de perceptions faussées, ce sang si précieux qui gorge la moindre parcelle de ma vie. En fait, mes réalités sont si nombreuses, mes mondes si divers, que je ne peux me résoudre à en abandonner une seule fraction. Bien sûr que je suis dans la vraie vie, bien sûr que ce monde existe et est le vrai univers. Mais il en va de même pour tous les autres, le seul qui soit différent est le premier à avoir existé. Chaque fois que je me prends à rêver de quitter cet endroit, la vie d’ici me rappelle à elle, des joies que je ne peux quitter, des gens que je ne peux laisser tomber. Une langue à apprendre, un être à aimer, un pays à découvrir, un regard à braver et revoir. Comme si ce petit jeu visait à m’alpaguer encore et encore... Les univers d’histoires, de films, de livres, de chansons, tous ces univers sont vrais, et dans ma mémoire ils creusent leur existence. Tous ces mondes, toutes ces vies, toutes ces envies ou répulsions m’habitent, mais est-ce moi qui les fais vivre ou m’inventent-ils eux-mêmes, s’ajoutent-ils à mes propres éléments ? Comment savoir dans quel sens ça marche... L’interminable récit d’un enfant qui voulait retrouver son monde, même si cela signifiait la mort dans un autre, l’abandon d’une existence, Pan ou Carter... Mon ami, mon enfant, suis-moi, aide-moi à rejoindre ce pays doré où tous les rêves deviennent réalité, permets-moi d’enfin retrouver ce lion, et tous ces autres, qui ne peuvent exister tant que je suis bloqué, tout ce dont j’ai rêvé... Ne me demandez pas d’accorder de l’importance à ce qui vous semble essentiel, ou de comprendre ce qui dépasse ma logique, n’espérez même pas me faire devenir quelqu’un d’autre. Si j’ai pas les pieds sur terre, si j’rigole d’un truc irréel, si je ne peux pas fonctionner autrement qu’à ma manière, laissez-moi donc exister comme je l’entends. Qu’importe la différence, tant qu’elle n’est pas violence ? Si je me tords de douleur sans aucune réalité physique, si ma tête explose quand tout a l’air d’aller bien, si parfois je veux fuir, c’est simplement le monde qui m’appelle. Oui, je partirai, ce n’est pas une menace mais une promesse.



28 octobre 2015.

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