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Positivité forcée

Dernière mise à jour : 4 juil. 2023

Y a un truc qui me gonfle, j'aimerais dire "en ce moment" mais je crois pas que ce soit récent (enfin, à mon échelle, hein). Parce que bon, y a cinq ou dix ans, j'en voyais déjà les manifestations sur mes RS (oui bon sur fb et skype du coup parce que j'en avais pas d'autres). T'sais, y avait beaucoup de "sondages" à base de photos de soi pour demander aux gens ce qu'iels pensaient de toi, physiquement (ou pas d'ailleurs). J'me souviens de ce type qu'avait posté une photo de lui en demandant des avis, la photo était grave moche (le mec était pas forcément moche en plus, mais juste, sur la photo ça rendait méga mal), et tout le monde dans les comm' disait qu'il était magnifique et que la photo était grave belle etc. J'ai débarqué avec mes gros sabots pour dire que tel truc rendait pas top, que la photo était vraiment pas géniale, et là le mec a instant pop dans mes mp pour me dire que j'avais pas à lui dire ça, que ça se faisait pas, que c'était méchant et tout. Frère, t'as demandé es avis, si tu veux que des avis positifs tu le dis. Eh, s'il avait précisé ça d'entrée de jeu, j'aurais passé mon chemin, vu que sur le coup j'avais rien de positif à dire. Ou même, s'il avait rien mis, juste posté sa photo sans demander d'avis, je suis pas là pour venir tacler les gens t'sais. Mais bref, j'me rappelle qu'il y avait beaucoup ce truc de "dès que quelqu'un poste une photo, tout le monde complimente même quand ça plaît pas, parce qu'il faut absolument dire des trucs positifs en permanence même si on les pense pas". Bon, l'hypocrisie et moi, on sait déjà. J'ai l'impression que les RS se sont un peu calmés sur cette manie des compliments physiques même quand on les pense pas / quand ça ne colle pas (complimenter quelqu'un sur son visage quand on ne voit pas le visage sur l'image...), sauf que ça s'est mué en une nouvelle forme de positivité forcée.


Je sais pas toi, mais moi je m'aime pas. Genre, vraiment pas. J'ai plus de bienveillance envers un caillou qu'envers moi (oui je parle de celui qui est sur mon meuble entouré de ses potes cailloux et noisettes). Et je me gêne pas pour le dire. Si t'as déjà passé du temps avec moi, t'as l'habitude des "mais ta gueule Leo / tu fais chier / qu'est-ce que t'es con / va crever abruti" et autres joyeusetés. (Et quand il y a un autre Leo à proximité, je trébuche dans mes mots pour préciser que je parle pas de lui mais bien de moi.)

Forcément, si tu m'aimes bien, ça te fait pas kiffer de m'entendre m'insulter, me dévaloriser, me souhaiter la mort etc. Enfin, je suppose. Sauf que je peux pas m'en empêcher, et en plus ça me fait du "bien". Oui je sais c'est contre-intuitif et probablement pas très exact dans l'ensemble, mais attends, je t'explique.


L'autre jour, j'ai posté un truc en disant "le Leo est un animal aquatique stupide" (chacun-e ses ref' hein), parce que je racontais un truc vraiment ridicule de ma vie (de mémoire c'était cette manie de ne pas rajouter de pull quand il fait froid, parce que ce serait du "gaspillage" puisque je supporte bien le froid). Et une pote m'a répondu, sans même lire le post (hyper long je t'en veux pas tkt), que non j'étais pas stupide *emoji colère*. Honnêtement, ça m'a fait mal. Genre là mon propos c'était pas "je suis la personne la plus stupide de l'univers j'ai jamais rien dit ni fait d'intelligent je mérite la mort" juste "une anecdote de ma stupidité regarde c'est drôle". Ouais, ma notion du drôle est assez personnelle (tu sais ce traumadumping que tu fais en rigolant, ou ces bons souvenirs amusants que tu racontes en souriant jusqu'au moment où tu vois ton auditoire se décomposer tellement c'est violent ce que t'as vécu sauf que tu t'es rends pas compte, habitude t'sais), mais bref.


Sur le moment, ça m'a gonflé, parce que c'est l'illustration d'une positivité forcée, un truc qu'on attend de nous en permanence. Y compris quand t'es militant-e (le tone policing a pour moi de gros relents de positivité forcée, même s'il y a aussi des différences), opprimé-e (ben oui quand même c'est pas parce que la société te marche dessus que t'as le droit de tirer la gueule), handicapé-e (tu souffres ? arrête, ou en tout cas ne le montre pas, ne te départis pas de ton sourire, parce que c'est dur pour moi de voir ta mauvaise humeur ou tes problèmes), fol (t'as envie de crever ? tu veux tout cramer ? t'as vécu des trucs atroces et tu veux en parler ? non, adoucis ton propos, atténue ta violence, sinon ça fera de toi un oppresseur d'oser être de mauvaise humeur et balancer des propos violents). Alors oui, c'est important de préserver les autres, de pas leur cracher tout ce qui t'a brisé au risque de les abîmer aussi, de réveiller des trauma etc.

Mais parfois j'ai besoin de dire du mal de moi, genre c'est limite cathartique je gueule sur les trucs qui me font chier etc, et il se trouve que ce qui me fait le plus chier, c'est moi. Donc autant quand je dis que je sers à rien ou que je balance des jugements de valeur sur ma globalité, je comprends que des gens me contredisent (même si moi j'le pense vraiment), autant bah comme tout le monde y a des moments où je suis con, des moments où je suis nul, des moments où je suis méchant, des moments où je fais d'la merde, y a pas à nier ça. C'est un truc omniprésent de contredire les gens dès qu'iels disent du négatif sur elleux, mais faut aussi accepter que ouais, les gens ont des trucs négatifs en fait. Les gens ont des défauts, font des erreurs et tout. Y a plusieurs niveaux mais bon, si quelqu'un se dévalorise en mode "oh la la je suis une merde je sais pas écrire regarde mon livre il est nul faudrait j'le crame" (citation fictive bien sûr hahaha hahaha hahaha), je comprends l'envie de lui mettre la tête dans son caca parce que quand même connard t'as écrit un livre et tu l'aimes même s'il est loin d'être parfait il est plutôt cool et vachement moins oppressif que la moyenne, mais en même temps ça sert à rien de partir dans des superlatifs ou des trucs mélioratifs si t'as pas lu le livre, parce que ça renforce la conviction que "non mais c'est parce que t'as pas lu, si tu l'avais lu tu le trouverais nul parce que je suis trop nul" etc, jsp si c'est clair. Exemple hyper précis ok, mais ça s'applique dans plein d'autres cas, et à un moment ça me gonfle de pas pouvoir rager sur un truc que j'ai foiré ou un moment ridicule sans qu'on vienne me contredire, parfois même sans savoir de quoi je parle. Y a moyen de soutenir les gens sans leur dire qu'iels sont parfait-es ou qu'iels ont rien fait de mal, surtout quand iels ont effectivement fait un truc qu'y fallait pas. Personne n'est parfait-e, ça mène à rien de nier les imperfections et les erreurs, en tout cas ça mène à rien de bon. Par contre, rappeler aux gens que c'est pas une erreur qui définit leur valeur, oui c'est important, soutenir les gens en souffrance même s'iels ont effectivement merdé (je parle de merde, pas de violer des gens ou quoi) ou expliquer aux victimes que l'important c'est pas de savoir si elles auraient pu agir autrement et éviter ce qui leur est arrivé, ça oui, ça ça compte.


Au-delà de ça, quand je rage sur moi, je suis violent et je mets pas les formes. Parfois, j'ai besoin de dire que je *suis* une merde, même si je devrais dire que je *me sens* comme une merde, parce que j'ai besoin d'exprimer ce qu'il y a à l'intérieur de moi même si toi tu voudrais que je précise que c'est un ressenti, une impression, une opinion. Quand je parle de moi, je parle de moi, je peux pas te prendre en compte pour chaque lettre, je peux pas prendre le monde entier en compte. C'est un truc que j'essaie d'exprimer à des gens depuis un moment, mais je galère, ça fait quelques semaines que j'essaie d'écrire cet article, c'est compliqué. Ma haine de moi, elle est entre moi et moi, mais parfois (souvent) elle déborde. Elle éclabousse, elle balance des gerbes de sang dans les coins. Ma haine de moi, elle tache.

Sauf que j'ai besoin de l'exprimer. Parce que plus je la retiens, et plus elle me dévore de l'intérieur. Plus je me tais, et plus j'ai envie de crever. Moins je dis de mal de moi, et plus j'en pense. Moins je te montre cette saleté, et plus elle m'étouffe. Donc ouais, faut que ça sorte, et si ça te fait mal j'ai envie de dire que je m'en fous (même si bien sûr c'est faux je culpabilise à balle). Parce que déjà, si je parle de moi sur mes RS, ça ne s'adresse pas spécifiquement à toi, tu peux l'ignorer, passer ton chemin, ou râler seul-e face à ton écran. Et ensuite, je suis le mieux placé pour savoir ce qui est bon pour moi, ou en l'occurrence ce qui est le moins pire. Ouais, la peste ou le choléra, mais ça reste mon choix. Et dans l'absolu, t'as rien à en dire, ou du moins rien à m'en dire. Tu peux penser, tu peux souffrir, tu peux extérioriser sur le sujet aussi, mais pas forcément auprès de moi. Parce que j'ai déjà tout moi et tout mon intérieur et tout mon corps et toute ma vie à gérer, j'ai pas besoin d'avoir en supplément le poids de ce que mes souffrances te font ressentir. Surtout si ça ne t'est pas adressé à la base, si je vent sur mon fb ou mon twi.


Y a aussi la façon de contredire, ouais ça compte. Quand t'es face à quelqu'un qui se dévalorise parce qu'iel a trop mal, si toi ça te fait mal de lire ça, rappelle-toi que c'est bien plus dur pour ellui, donc mesure tes paroles ouais, ou pose-les ailleurs que dans sa gueule. Perso, je culpabilise largement assez de pas faire assez bien, de pas assez profiter, de pas réussir à changer mon regard sur moi et sur la vie, j'ai pas besoin que les autres me noient sous encore plus de culpabilité en me rappelant que mes maux ont des conséquences autour de moi, que mes mots peuvent heurter quand je parle de moi de la pire des manières.

Là j'en suis à l'étape de "j'accepte d'être en dépression, j'accepte que la dépression et les trauma me poussent à avoir une vision horrible de moi, j'accepte que bon c'est pas forcément la vision des autres, j'accepte que ça changera pas avant un bout de temps, j'accepte que oui ça fait partie des symptômes et ça ne s'améliorera pas tant que je ne serai pas capable de travailler sur mes trauma justement, et que pour bosser dessus il me faut une situation que je n'ai pas encore mais qui n'a jamais été aussi proche". Oui je culpabilise à balle, mais au moins j'accepte tout ça, donc pas besoin de me faire culpabiliser quand je me déteste.

Les trucs à base de "sois pas paternaliste en me disant ce que je devrais penser de toi" ça me met hyper mal pour deux trucs. Déjà, le fait que bah même si mes formulations sont manifestement pas assez claires je cherche pas (ou plutôt je ne cherche *plus*) à rallier les gens à mon avis sur moi, donc je ne dis pas "tout le monde devrait penser ça de moi / tu devrais penser ça" mais "je persiste à penser ça et j'y tiens" (ouais la nuance entre les deux est parfois extrêmement ténue). Et ensuite parce que me reprocher un truc, même cohérent, qui n'est pourtant pas le problème en l'occurrence (genre ça peut ressembler à du paternalisme je suppose, sauf que ce qui motive mes propos n'est pas du paternalisme, je peux pas certifier l'absence totale de paternalisme dans ce que je dis mais vraiment c'est pas le fondement du truc c'est au plus un vernis supplémentaire pour me protéger de la violence de ce que je ressens pour moi, ouais ça pue aussi mais encore une fois même si la nuance est ténue elle existe), ça me met en pls parce que j'ai pas moyen de clarifier, et après je pars très loin dans mes spirales d'auto questionnement et on va pas se mentir ça part très vite en auto flagellation mentale (pas que mentale d'ailleurs, si je suis de retour dans l'anorexie violente à base de "je mérite pas de manger donc je ne mange pas" c'est aussi parce que les RS me déglinguent la gueule, sauf que je peux pas m'en passer, et pour le coup ça a des conséquences physiques).


J'ai pas de solution, je vais pas te demander de pas me contredire quand je dis des trucs violents sur moi ou juste du mal de moi, je vais pas non plus te dire comment t'as le "droit" de me contredire, mais disons que les leviers que tu utilises comptent, certains ont tendance à plus m'enfoncer qu'autre chose, et en vrai ça me coûte de passer au-dessus de la première vague et de continuer la conversation pour arriver à des conclusions communes. On peut avoir une analyse au moins en partie similaire sur certains aspects de moi, mais si je dois creuser à chaque fois pour vérifier que c'est bien le cas et que tu passes pas juste pour me dire que je suis un connard pédant et manipulateur (oui je sais c'est pas ce que tu dis mais c'est ce que mon cerveau entend quand tu parles de paternalisme par ex), c'est compliqué.

Fin voilà comme je dis j'ai pas de solution, mais ptet qu'on peut essayer de trouver ensemble un mode de communication qui va pas m'envoyer par le fond vu que c'est vraisemblablement pas ton but, mais qui te permettrait quand même d'exprimer ce que tu penses / ressens / jsp.

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