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Perdu dans la violence

Dernière mise à jour : 4 juil. 2023

Les gens grandissent. Petit à petit, je vois certains changements, y en a qui tombent amoureux ou se fiancent, y en a même qui ont un chien ou des gosses. Des gens avec qui j’suis sorti vivent en couple ou ont de la barbe, ils font le tour du monde ou ont coupé les ponts avec la famille. Des gens avec qui j’ai couché ont perdu leur air enfantin, gagné en maturité, perdu leur sourire ou retrouvé la joie de vivre. Certains ont pris ou perdu du poids, d’autres ont changé de couleur de cheveux ou de visage. Y en a qui font des études ou qui ont un taff, un appart ou une voiture, y en a même qui ont des papiers.

Et moi, j’suis toujours là, avec la même face de gosse depuis quinze ans, les mêmes incompréhensions face au monde humain. J’suis toujours là, à partir, à quitter les gens et les lieux l’un après l’autre. J’suis toujours là, à me croire inférieur à la lie de l’humanité tout en trouvant des tas de gens chiants, inintéressants au possible, ou simplement inutiles. J’suis toujours là, au milieu de tout ça, à me demander ce que j’y fous, et à évoluer à mon rythme. J’suis toujours là, à me dire que je gâche mon talent, que je gaspille mes possibilités.


Je commence à flipper. Tous les jours, des agressions, de la haine, des insultes et des viols. Tous les jours, des visages tuméfiés, en sang, maltraités par une haine gratuite. Tous les jours, des gays, des trans, des lesbiennes, des intersexes, mutilé-es, frappé-es, maltraité-es, jeté-es au sol et piétiné-es. Tous les jours, des partis d’extrême-droite ou autres, qui crachent à la gueule des LGBT+. Tous les jours, des présidents ou dictateurs envoient valdinguer les droits de personnes bien plus humaines qu’eux. On élit des criminels, on encense des pédophiles, on boit les paroles de sombres petites merdes pleines d’une haine qu’elles déversent comme au hasard, mais selon un schéma somme toute logique. Quoi de plus simple que de s’en prendre à celleux que le peuple ne comprend pas ? A celleux qui sont déjà mis-e à l’écart, précarisé-es à souhait, incompris-e des administrations. Effectivement, le choix est logique. Mais je me demande combien de temps encore. Combien de temps encore il va s’écouler avant que ce courroux “divin” ne s’abatte sur un-e de mes proches, une connaissance, ma copine, ou moi. Je me demande combien de temps on va encore pouvoir échapper aux coups, et se contenter des insultes ou des remarques bien lourdes. Aujourd’hui, je n’ai rien subi. Hier, je n’ai rien subi. Mais demain ? Demain, vais-je croiser un abruti qui, ne sachant décider si je suis un garçon ou une fille, baissera mon pantalon “pour voir” ? Ou collera sa main entre mes jambes “pour savoir” ? Demain, vais-je me réveiller avec un message m’annonçant que quelqu’un que j’aime est à l’hôpital parce qu’on l’a vu tenir la main d’une “personne du même sexe” ? Vais-je me coucher la peur au ventre parce que quelqu’un m’aura suivi, ou aura suivi un-e de mes ami-es ? Vais-je devoir vivre avec l’angoisse que la personne qui a balancé des menaces en l’air ait en fait été sérieuse ? Le pire, c’est que je n’y peux rien. Je ne peux pas protéger mes potes du monde entier, ni me mettre à l’abri. C’est triste de devoir envisager ça, d’ailleurs. Mais ça m’inquiète vraiment. On risque l’ascension d’un nouvel Hitler ? Je sais même pas de quel côté regarder pour le voir arriver. USA ? Russie ? Brésil ? France ? Italie, Espagne, Allemagne, Chine, Corée du Nord, Pologne, Ouganda, Togo, Australie ? N’importe où ? Je sais plus... Je crains l’avènement d’un nouveau monstre, je vois des camps pour gays ou autres, j’entends les sirènes de ceux qui viendront nous chercher pour nous enfermer parce qu’on ne leur convient pas... J’ai pas envie qu’on m’enchaîne, j’ai pas envie qu’on brise mes ailes, j’ai pas envie de perdre des gens qui comptent parce qu’ils n’auront pas pu se cacher. J’ai plus envie d’me battre, j’ai plus envie d’courir. Je veux que ceux qui nous veulent du mal commencent à avoir peur, peur qu'on se défende. J’ai pas envie de connaître les privations et les morts d’un camp de concentration. J’ai pas envie de me dire que demain, ce train qui hurle emportera peut-être des innocents vers leur fin. J’ai pas envie de connaître un monde dans lequel on autoriserait à nouveau toutes ces exactions, ces immondes folies meurtrières. J’ai pas envie d’imaginer, et pourtant, on laisse déjà tout faire. Parce que c’est loin, parce qu’on sait pas quoi faire, parce qu’on sait pas, parce qu’on voit pas, parce que ça pourrait être pire. Moi aussi. J’ai vu quelqu’un maltraiter ses gosses, insulter leur mère, j’ai vu plein de choses et y en a encore plus que j’ai pas pu voir, j’en sais assez, même moi j’me suis fait menacer. Et pourtant j’dis toujours rien. Parce que ça devrait pas être à moi de parler, mais les autres ne le font pas. Pourtant, si ces gosses meurent ou souffrent, c’est moi qui m’en voudrai. Je me déteste pour ça, je sais à quel point je suis impuissant face à cette situation, et je ne peux qu’imaginer avec un frisson de dégoût mon impuissance face au reste. J’attends que ça passe, et j’espère.


10 novembre-29 octobre 2018.


(Rassurez-vous, les gosses dont je parle vont beaucoup mieux depuis que leur mère a la garde totale.)

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