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Obsession

Dernière mise à jour : 4 juil. 2023

Il serait temps de t’y mettre, mon p'tit gars. Ou de t’y remettre. Tu sais, tes doigts qui volent sur un clavier, tes yeux qui papillonnent sans avoir besoin de regarder, force de l’habitude. Laisser les plumes au placard, c’est pas une bonne idée. Tu sais très bien que tu en as besoin, comme tu as besoin de chanter et d’aimer. Finalement, c’est peut-être ça, ta trilogie. Chanter, écrire, aimer. Liberté, rire, chant, écriture, amour. Mais tu ne peux te passer de l’écriture, tu le sais. Sur le papier, c’est fantastique, c’est l’émotion primale, la palpitation toujours identique après toutes ces années, le frisson de la vraie création, c’est ton âme qui coule de la plume. Mais c’est trop long, tes mains ne peuvent suivre le rythme effréné de tes pensées en cascade. Trop rapide, trop intermittent, trop en désordre, trop de ratures qui n’apparaissent jamais sur mes feuilles. Finalement, encre et papier, ça me permet d’arriver directement à une version plutôt satisfaisante. Un clavier, ça manque de poésie, de personnalité, de sens, mais c’est quand même magique de pouvoir développer si vite, de laisser couler les lettres sans y prendre garde, de vivre mon propre temps selon mes envies. Je peux aller vite ou ralentir, l’encre bleue ne séchera ni ne noircira à la pointe de mon stylo-plume. L’éternel dilemme : remettre le bouchon, au risque de l’enlever à nouveau cinq secondes plus tard pour faire part d’un éclair de génie, ou ne pas le remettre, au risque de voir la couleur et l’épaisseur de l’écriture se modifier ? Des pensées, sauvages ou sages, qui montent vers le ciel ou s’enfoncent dans les profondeurs insondables des rêves d’un mortel. Des idées pures et angéliques, ou salaces et provenant des entrailles noires de la Terre ou de l’espace. Mon plus grand secret, celui que je peux dire à tout le monde, c’est que je souhaite exceller en tout. C’est pas juste une envie passagère. Je suis perfectionniste. Pas ce “faux défaut qu’on dit pour faire genre”, non, ce vrai défaut qui te pourrit la vie. Cette envie maladive que tout soit parfait, tout le temps. Cette obsession pour la symétrie, la logique, et autres bagatelles. Ce besoin de tout contrôler, de tout prévoir, de tout comprendre. Ce truc de merde qui peut te faire passer des heures à aligner des conneries, ou à tenter de classer tes chatons par couleur. (Oui, sérieux.) C’est tellement omniprésent dans ma vie que j’ai pété un câble y a quelques années, j’ai décrété que puisque je ne pouvais parvenir à la symétrie parfaite, ou à la perfection tout court, je retournerais ma veste. L’asymétrie, parfaite ou non, est bien plus accessible, et convient mieux à cette espèce de look destroy que j’veux me donner. C’est beaucoup plus marrant de faire n’importe comment. Le gamin toujours propre sur lui, toujours effacé et discret, celui qui ne sait même pas comment avoir l’air normal mais qui croyait passer inaperçu, qui se croyait invisible et l’était tant qu’on ne posait pas les yeux sur lui, tant qu’on ne prenait pas garde à ses millions de bizarreries, ce gosse, il... Je voudrais bien dire qu’il est mort, mais non. Il est toujours au fond de moi, blotti entre deux étagères bien rangées, au milieu d’un monde entier de choses pas classées, le bordel monstre qu’est mon cerveau. Il est toujours là, à pleurer de ce qu’il voit, ce gamin pur et innocent qui a vu et voit son alter ego se détruire à petit feu, pour arrêter d’souffrir. Ce gosse, il est toujours là, enroulé dans ses couvertures de bébé, avec une armée de peluches pour le protéger, et tous ses chats, rats, lapins, son cochon d’Inde et son chien, même ses chevaux pour le protéger. Le protéger des réalités du monde, pour qu’il arrête de pleurer devant tant de misère, de peine, de cruauté, et d’illogisme. Tous ses amours, passés et présents, et sûrement futurs aussi, ils sont là, autour de lui, tels les fantômes résiduels de passions, les incarnations tremblantes de ce qui aurait pu être. Il est toujours là, apeuré, inconscient des enjeux, et c’est peut-être lui que je dois retrouver. L’enfant sage, celui que je ne veux plus être, celui qui s’est trop laissé marcher sur les pieds, celui qui a trop souffert des autres, et qui a préféré s’enfermer, se cacher, se faire oublier, pour ne présenter au monde que ses bizarreries, pour être un original, un exemple pour ceux qui voudraient se libérer. La liberté, il ne la connaît pas, il ne l’a jamais connue, il l’a toujours tue, il a brimé ses désirs, dès le départ, sans vraiment savoir pourquoi. Ses espoirs, il les a mis au placard, pour éviter de déranger la petite vie tranquille de ceux qui l’entouraient. Mais ce gosse, il rêvait d’être un chanteur masqué, d’être une icône de liberté et de joie, d’être l’idole des jeunes. Il rêvait d’être Johnny, en mieux, en plus fort, plus authentique, plus beau, plus intelligent, plus intéressant, plus puissant, et avec une voix plus impressionnante. Le développement du personnage ne s’est pas exactement fait comme prévu. Mais le gamin rêve toujours. Et le rêve n’a pas beaucoup changé. Un costume de super-héros, celui qui donne de l’amour et du bonheur à tout le monde, tous les soirs, tous les jours, à n’importe quelle heure, mais qui peut se cacher quand il veut, il n’a que son masque à enlever et son pull à retourner, pour être à nouveau un anonyme dans la foule, celui que personne ne regarde ni ne veut regarder, celui qui s’excuse quand tu le bouscules, qui sourit quand tu l’insultes et qui baisse les yeux pour avancer. Eh merde, j’ai pas changé. Bordel, je peux gueuler des gros mots à tour de bras, j’suis toujours ce gosse qui a mis sa main devant sa bouche la première fois, en pleine chanson de Renaud, quand il est sorti tout seul à force de par coeur et de manque de concentration. C’est pas moi, tout ça, et j’crois qu’il faudrait vraiment que je me recentre. J’vais partir en voyage, j’vais essayer de me comprendre, de me reprendre, et de m’apprendre. Je crois bien que je vais devoir couper les ponts avec tout le monde pour un temps, même si ça fait drama-queen de dire ça. Bonne nuit.


20 novembre 2018.

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