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Les dissocié-es

Parfois ma voix prend une couleur qu'est pas à moi ni à ma soeur

Eternuement ou drôle d'accent, chant d'un enfant ou rire changeant

J'ai des frissons des insomnies, j'me sens bien seul au fond d'mon lit

Des voix poussent des cris dans le noir, écho lointain d'un fameux soir

Parfois j'me jette sur une souris, une branche de pin, un confetti

Je mords un truc qui m'passe sous l'nez, je sors les crocs sans y penser

J'aboie un coup, hurle à la lune, on me croit saoul, prétend que j'fume

Quelqu'un m'appelle quand y a personne, les yeux au ciel je déraisonne

Parfois ma bouche parle des langues que mon pauv' vieux cerveau exsangue

Ne connaît pas ou de très loin, y a pas d'quoi en faire tout un foin

Je sais des trucs que je n'sais pas, je dis des trucs que j'comprends pas

J'ai des souvenirs mais pas les miens, j'oublie mes années d'collégien

Parfois mon corps se barre sans moi, je disparais pendant des mois

J'ai des phobies et tout plein d'tics, et puis un mode automatique

J'suis spectateur de mes actions, 'paraît qu'c'est d'la dissociation

Quand quelqu'un d'autre vit à ma place, j'pourrais trouver ça dégueulasse

Parfois j'tombe de la dernière pluie, né de demain ou d'aujourd'hui

Si j'ai quatre ans ou huit ou seize, faudrait beaucoup pour que ça m'plaise

De pas savoir comment j'm'appelle, quand je suis né, si j'ai des ailes

De perdre pied dans le réel, d'pleurer que rien n'est éternel

Parfois mon coeur cogne pour sortir, leur vérité c'est de mentir

Leur illusion c'est ce réel, z'ont l'droit de se croire immortel-les

Sacré bordel dans ma caboche, des noms en vrac et des trucs moches

Y a d'la dentelle et des trucmuches, tout un jardin sous ma capuche

Parfois j'ai froid au fond des veines, un froid brûlant de toutes mes peines

Un feu glacé dans mes os troubles, comme si la douleur comptait double

Mes émotions, c'est le problème, sont à des gens qui se promènent

Juste à côté de mes orbites, à plus en savoir où j'habite

Parfois j'reconnais pas mes potes, j'ai des visions, des idées sottes

Des inconnu-es me parlent de moi, parce qu'on s'est d'jà vu-es plein de fois

Deux, dix ou cent, j'ai perdu l'compte de mes présents qui se racontent

Ça déménage dans mes méninges, oublie pas d'étendre le linge

Parfois je croise mon reflet, j'pourrais en sortir des pamphlets

Ce s'rait ma tête mais y a un mais, comme une image déformée

Depuis tout gosse je peux pas m'voir, j'sursaute quand j'tombe sur un miroir

C'est qui ce clown à l'air bizarre, y m'dit que'que chose avec son r'gard

Parfois j'me fais virer d'mon crâne, au coin avec ton bonnet d'âne

Ou bien j'vois un peu décalé, le monde est flou tout est troublé

La mise au point est pas dispo, pour autant c'est pas du repos

Souvent ça finit en migraine, je compte les secondes qui s'égrènent

Parfois j'me dis qu'on est plusieurs, y a pas moyen d'être aussi chieur

À toi tout seul, t'es un troupeau, une bande de jeunes, une tête pleine d'eau

Avant c'était une évidence, parce que la folie ça se danse

Ça se voyait, on m'le criait, moi les insultes j'les dévoyais

Parfois j'veux juste abandonner, laisser ce corps à un pionnier

Qui le mènera à son sommet, cette vie que je m'inventais

Chanter, écrire, nager, courir, pour surmonter l'envie d'mourir

Une force que je n'ai plus, un avenir qui m'aurait plu

Parfois c'est pas moi qui conduis, tonneaux après virage fortuit

Mes pieds décident, ma gorge décède, la peau en feu réclame un plaid

Nous la logique on l'a mangée, on pique du nez face au danger

Mets-toi d'accord avec toi-même, qui sait si tu hais ou bien aimes

Parfois j'voudrais dormir longtemps, mais je me réveille en boitant

Être allongé ça me déglingue, ça s'règlerait avec un flingue

Tu croyais que j'allais m'dire dingue, ou parler de mes fringues qui schlinguent

J'ai trop à hurler dans mes membres, j'peux à peine sortir de ma chambre

Parfois j'me d'mande comment j'ai pu survivre à mes années perdues

Même si c'est pas moi qu'ai fait l'taff, y a bien quelqu'un qu'a dû faire gaffe

Regarde ma vie et ose prétendre qu'avec moi elle a été tendre

Pourtant j'y crois et j'veux y croire, sinon on s'noie dans l'désespoir


27 septembre.

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