J’arrête pas de tomber sur des memes ou des comm’ qui minimisent la dépression et les souffrances chez les ados. Je vous parle même pas des enfants. La transphobie qui se base sur du “trop jeunes pour choisir” (oui mais pas trop jeunes pour se dire cis, ah bon) et pareil pour le reste des queerphobies. Sérieux. Oui, on le sait, la maturité n’est pas innée, elle se gagne en grandissant (et en prenant cher, je suppose). Mais pas à la même vitesse pour tout le monde.
Et, oui, il peut y avoir des tout petits bouts d’humain-es déjà capables de dire qu’iels sont trans, qu’iels vont mal, que le lait leur fait mal au ventre, qu’iels n’aiment pas trop quand tonton leur donne le bain, qu'iels aiment les huîtres ou que sais-je encore. Oui, on pourrait peut-être les écouter.
Le gamin qui te dit de pas verser ta PUTAIN de bouteille d’eau FROIDE sur son lapin, il sait qu’il va le voir crever sous ses yeux si tu le fais, il sait quand tu commences à verser que c’est trop tard, que s’il avait été plus grand ou capable de s’imposer son lapin aurait vécu quelques années de plus. Le gamin qui te dit que ça sert à rien de parler mal de l’autre parent, il le sait, que c’est toi qu’il va détester, et pas l’autre. Le gamin qui te dit qu’il ne peut pas manger ça, qu’il ne peut pas faire ça, que ça lui fait mal, il le sait, que ça lui fait mal. Le gamin qui te dit qu’il n’est pas une fille et pas un garçon, il le sait, qu’il est non-binaire. Le gamin qui veut s’ouvrir le bras parce que ça va pas, et qui essaie d’en parler, il le sait, qu’en retournant au collège demain tout le monde va le regarder, et il sait qu’il préfère mettre exprès des manches courtes même s’il fait froid parce que comme ça tout le monde verra que c’est pas ouvert, personne ne verra la petite marque rouge parce que personne ne l’approche d’assez près pour ça, et qu’il préfère passer pour un menteur qui veut faire son intéressant plutôt que de risquer qu’un autre ado n’alerte des adultes, des flics ou des profs, et qui préfère aussi qu’on se foute de sa gueule parce qu’il l’a pas vraiment fait que parce qu’il le fait vraiment.
Alors merde. Ecoutez-les. Oui, ça existe, la dépression chez les très jeunes. Non, les ados ne font pas semblant d’aller mal pour attirer l’attention, iels cherchent à attirer l’attention PARCE QU’iels vont mal. Arrêtez de minimiser ça en vous foutant de leur gueule, sous prétexte que les adultes ont connu pire, sous prétexte que vous vous souffrez vraiment, sous prétexte que c’est bon c’est juste les hormones. Les ados prennent cher avec les hormones, y a toute la pression scolaire et tout, alors oui, y en a qui le vivent bien je suppose, mais s’il y en a un-e qui vous dit que non ça va pas, c’est que non ça va pas. C’est qu’il faut l’aider.
Peu importe que ce soit “vraiment” une dépression ou non, iel peut se foutre en l’air tout pareil. Que ce soit en se suicidant ou en accumulant les conneries, les trucs qui vont lui pourrir le corps ou la vie. Alors aidez-les, au lieu de minimiser. Parce que quand bien même ce serait moins grave que chez les adultes (ce dont je doute très fortement), faut se rappeler que vos douleurs d’adultes, iels les ont pas encore eues en général, et que donc c’est peut-être le pire moment de leur vie, même si plus tard ce sera pire, même s’il y aura des jours plus durs pour elleux par la suite. Iels sont pas dans le futur. Aidez-les à en avoir un.
Et sérieusement croyez pas qu’à quinze ou seize ans on est pas capable de “souffrir comme les grand-es” quand on a une vie difficile ou une neuroatypie ou qu'on subit n'importe quelle oppression. Ok, un gosse de deux ans qui dit “je suis en dépression je veux me suicider” on peut supposer qu’il répète juste un truc qu’il a entendu, peut-être (mais faut peut-être quand même en prendre soin au cas où). Mais à huit, dix, douze ans, on sait déjà ce que c’est d’avoir mal, à trois ans on peut déjà en vouloir à sa mère de nous priver de père même si on sait pas encore que le père est un connard. On comprend déjà beaucoup de choses, pour peu qu’on nous les explique on comprend encore mieux, et le reste viendra plus tard.
Laissez vivre les ados.
Posté le 19 mai 2020.