30 avril 2020. #HandicapésSacrifiés Je devais profiter de la fin du mois de mars pour enfin commencer un suivi réel pour mes douleurs chroniques (et le reste). J'ai pu avoir un rdv vidéo très bien, mais pas suffisant, et la moitié de l'ordonnance n'est pas remboursable. Je n'ai aucun revenu, pas de maison (je suis hébergé par mes potes), autiste incapable de faire une démarche seul j'attends la réponse à ma demande d'AAH. Tous les jours, je me réveille en ayant mal, je me couche en ayant mal. Partout.
On m'a prêté des orthèses, ça soulage, mais ça fait mal ailleurs. J'ai besoin de voir ostéo, kiné, médecin, psy, clinique de la main. Je sais même plus ce qu'est mon corps sans la douleur. Où j'ai le plus mal ? Difficile d'avoir les idées claires, aucune position ne me soulage durablement. Le sport ferait du bien mais je peux pas sortir je saurais pas où faire du sport je peux pas en faire seul (la natation ce serait top mais...), j'angoisse à l'idée de devoir remplir une attestation et s'il y avait des flics sur le chemins je finirais en crise parce que je ne sais pas m'exprimer quand on m'engueule.
L'autre jour j'ai eu pour la première fois de ma vie une crise de douleur généralisée, douleur intenable dans chaque partie de mon corps. Médecin contactée en urgence (par un aidant) : "prenez des antidouleurs" "il est autiste s'il prend un antidouleur il va oublier qu'il a un pb et s'abîmer encore plus" "prenez des antidouleurs" "ça réglera pas le pb faut trouver ce qu'il a, et il risque d'empirer si..." "prenez des antidouleurs". Bon. J'ai la chance d'avoir des potes aidant-es. Mais mes douleurs s'en fichent, que des gens prennent soin de moi. Ce qu'il faut, c'est un suivi, des examens, des solutions. Le confinement c'est bien, mais ce serait sympa d'avoir de quoi combler nos besoins de première nécessité, parce que moi et les gens comme moi, plus on attend plus les pb de santé s'aggravent. Et les conséquences psychologiques sont lourdes.
Les valides, imaginez avoir mal en permanence, ne pas savoir répondre quand on vous demande où vous avez mal parce qu'il y a trop d'endroits, sentir votre tête exploser en cherchant à comparer les différentes douleurs pour savoir quelle est la pire avant de répondre, savoir que vous faites chier la personne en face en mettant trop de temps à répondre à une question simple, vous demander à partir de quel seuil vous pouvez prendre un décontractant musculaire parce que "seulement en cas de crise" mais la crise est permanente et imagine si ça marche pas imagine si j'en ai plus imagine si je peux pas en racheter imagine si derrière c’est pire. Parce que pour l'anecdote, quand mes douleurs musculaires se calment, je prends conscience des autres douleurs : nerfs, tendons, articulations... Franchement, je sais pas ce que je préfère.
Mais oui les valides : imaginez devoir choisir entre avoir mal à chaque mouvement et ne rien pouvoir faire / bouger jusqu'à pleurer pour essayer de faire passer la douleur / sentir votre corps partir en morceaux. Choisir entre ne pas bouger ni manger ni aller pisser et avoir mal / gérer la survie quitte à risquer de tomber dans les pommes / essayer de faire un plan d'attaque et finir en pleurs parce qu'il y a pas de solution / essayer de vous tuer parce que trop mal et pas de solution.
J'aimerais beaucoup être en train d'en rajouter. Mais moi avec toute la chance que j'ai, c'est ça mon quotidien, j'imagine même pas pour celleux qui sont seul-es / avec des gens abusifs / loin des médecins et des magasins / obligé-es de bosser quand même / qui n'ont juste pas accès aux soins.
Le comble de l'indécence c'est de nous dire de pas refuser les soins, de pas prendre de retard dans nos traitements, de ne pas RENONCER À NOS SOINS QU'ON NOUS REFUSE. Je dois débrancher mon cerveau pour pas y penser, pour pas passer mon temps à chialer, pour pas me tuer. Et pour pas rappeler à mes potes et mes amoureuxes que j'ai envie de crever à chaque instant de ma vie.
Alors sérieux, nous laissez pas comme ça.