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NeuroA

Dernière mise à jour : 4 juil. 2023

J’ai envie d’écrire sur la psychophobie. J’ai envie que les gens voient à quel point c’est partout, tout le temps. A quel point ça fait mal, même un détail.

Quand tu dis “c’est dingue, c’est fou, c’est un truc de malade”, pour parler de trucs choquants, horribles ou formidables.

Quand tu dis “c’est pas ouf” pour dire que c’est pas fameux.

Quand tu parles d’un “mal”, d’une “maladie”, d’une “malédiction” même, pour parler d’un trouble, d’une condition, d’une particularité, bref d’un truc qu’est pas “objectivement mauvais” mais juste factuellement existant.

Quand tu dis “délire” pour parler d’un jeu entre potes, ou pour te moquer d’une personne.

Globalement, chaque fois que tu utilises un mot faisant référence aux troubles psy de manière inadéquate, voire pour insulter une personne, dévalorisant de fait les fols et autres.

Chaque fois que tu dis ça, que tu écris ça, que tu ris de ça, j’ai envie de pleurer, et en même temps ça me met en colère. Ça fait mal, que ma vie soit utilisée comme une insulte. C’est pas comme si tu attaquais mes discours, mes idées, mes arguments, non, tu attaques juste la façon dont je suis né. Et même pas dans ce but : tu te fiches de mon existence, de la façon dont je suis né. Tu les attaques, mais avec un mépris crasse : tu ne prends même pas en considération toutes les personnes que tu impliques directement, tu nies le mal que tu leur fais si on te le dit. Si on ose t’en parler.

Chaque fois que tu dis “fou” pour dire “dangereux”, “malade” pour “violent”, c’est une pierre de plus sur notre dos. C’est pas pour t’accuser, mais pour t’informer. T’es pas un-e connard-sse sous prétexte que t’as des privilèges, que t’as pas conscience d’une oppression. Par contre, si tu refuses de prendre l’information qu’on te donne, tu peux plus prétexter l’innocence.

Non, les gens violents ne sont pas “des fous”. Ce sont des gens, violents. Les fols ne sont pas plus dangereuxes que la moyenne. Par contre, la stigmatisation que nous subissons peut nous rendre plus vulnérables, et en tout cas elle nous rend beaucoup plus souvent victimes. Victimes de violence intrafamiliale, violence scolaire (harcèlement par des élèves, pas d’aide voire mise en difficulté par les profs), violence conjugale, violence de la part d’ami-es, de collègues, de l’entourage en général, d’inconnu-es dans la rue, de toutes les fictions mettant en scène des personnages atteints de troubles psy, violence étatique qui ne nous accorde pas nos droits spécifiques voire nous en retire spécifiquement, et la dernière mais pas des moindres : violence médicale (refus de diag ou non prise en compte des symptômes que nous énonçons, médication et internement sans consentement même s’il n’y a aucune nécessité si ce n’est celle de se débarrasser de nous, et tous les gestes accomplis sans consentement).

Moi ? Je m'en tire bien. Je suis de celleux qu'on se "contente" de nier. Dans ma famille et à l'école, on m'a toujours traité de fou, de débile, de taré et j'en passe, mais, quand j'ai commencé à me dire que j'avais probablement des troubles réels, là on m'a dit que non, que j'étais normal, que je cherchais à me faire remarquer, que je "creusais la différence" alors même que je faisais tout mon possible pour rentrer dans le rang. Dans mes relations passées, romantiques et/ou sexuelles surtout, beaucoup ont profité de mon manque de compréhension des interactions sociales pour m'entraîner dans ce que je croyais être une obligation. J'ai pas reçu les codes sociaux à la naissance, je les ai pas appris comme les neurotypiques, j'ai pas l'instinct des interactions, je dois me débrouiller en roue libre.

Y a des NAPA (neuroA/psychoA) qui disent à d'autres "t'as pas le droit de te dire fou/folle/fol, t'as pas le droit de te revendiquer, parce que tu l'es pas/pas assez". Soit parce qu'iels ne perçoivent pas les difficultés de la personne en face, soit parce qu'iels les minimisent, soit parce que la personne en a effectivement moins qu'elleux (mais en a quand même). Sauf que nier le ressenti d'une personne NA, nier ses NA, son droit à se revendiquer fol, on lae prive d'une communauté-soutien, et on lae renvoie au rejet qu'iel subit des NT : tu n'as pas ta place avec nous, va voir ailleurs. Avec en plus l'aspect "t'es venu-e justement parce qu'ailleurs on voulait déjà pas de toi". Faut faire attention avec ça, sérieux.

Mon exemple : je suis actuellement alité presque en permanence parce que je n'ai plus aucune énergie, j'ai mal physiquement en permanence et ça influe beaucoup sur l'intérieur, sur mes pensées, mes troubles psy se prennent le brasier des conditions compliquées pour en rajouter toujours plus, je suis SDF, pas cishet, en rupture familiale, sans revenus, tout est compliqué, je suis incapable de passer un coup de téléphone ou de sortir seul (et même sortir tout court en général), j'ai des pensées suicidaires et suis en dépression, j'ai des sautes d'humeur t de gros troubles de la concentration. Et malgré ça, y en a encore qui pensent que je "peux pas être autiste" puisque je sais parler, suis capable de discuter avec des gens (que je connais) même face à face, n'ai pas de "talent particulier", bref, je ne corresponds à aucun des deux clichés d'autiste présentés dans les fictions : ni mec cishet blanc non-verbal qui hurle au moindre contact, ni génie des sciences, maths ou langues. Juste, autiste.

Enfin, non, pas juste autiste. Anxiété sociale, probable TDA(H), dépression, sans parler des douleurs chroniques et autres problèmes physiques (probable fibromyalgie, on a même pensé au SED).

Si certain-es ont envie de mettre ça en doute en disant "pff encore un autiste autodiag, l'autodiag ça vaut rien, tu fais du mal aux vrai-es autistes", ben, désolé de vous décevoir (non), mais suite à mon autodiag j'ai consulté des psy, qui m'ont donné un diag officiel. Anxiété et TDA j'ai pas eu de diag, mais c'est quelqu'un du CRA qui m'a conseillé de creuser ça. Dépression, un généraliste au lycée m'a prescrit un antidépresseur (sans me le dire, parce que le consentement est accessoire, il m'a juste dit que ça m'aiderait à dormir/moins stresser en classe), c'est pas un diag mais ça confirme des symptômes. Fibro, bah c'est la spécialiste des douleurs chroniques qui m'a dit que probablement, mais en raison du confinement la consultation s'est faite à distance donc pas de diag concret, juste une suspicion. Et pour le SED, j'ai rempli le questionnaire donné par cette même spécialiste, et je coche beaucoup trop de cases pour que ce soit anodin (donc j'ai pas forcément le SED, mais faut creuser les douleurs chroniques). Bref. Vous connaissez l'errance médicale ? Le temps moyen d'un diag pour les troubles psy, les maladies rares/peu courantes ? Tiens, ça me donne envie de faire un article sur l'autodiag.


19 mai 2020.

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