Quelle que soit la manière dont on tourne les choses, je suis un intrus.
Où que j'aille, je suis un intrus.
J'ai beau essayer de ne pas être trop bizarre, pas trop hors du ton, pas trop gênant, la vérité finit toujours par éclater : je ne suis pas à ma place.
Je sais, ça pourrait être ma parano, ça pourrait être une illusion. Ma parano y est clairement pour quelque chose, oui. Mais si elle est aussi violente là-dessus, c'est pas pour rien. La vie me l'a bien confirmé, me le rappelle souvent.
J'essaie de lutter, pour ne pas me fermer hermétiquement au monde extérieur, malgré l'envie qui me brûle. Le besoin, même.
Je m'accroche comme je peux, je fais des pieds et des mains pour entretenir le feu, ne pas laisser retomber l'entrain. Je me détruis, petit à petit. Je ne sais pas aimer autrement.
Je ne sais pas aimer autrement, précisément. C'est pour ça que j'ai arrêté. J'ai tout bloqué, ou ça s'est bloqué sans moi, je sais pas. Le premier choc a détruit beaucoup de choses, les suivants ont surtout empêché toute reconstruction. Alors, la fuite pour protection, comme toujours.
Mais, comme toujours, les choses changent. C'est peut-être la seule chose stable, la seule chose immuable : les choses changent.
Cette fois encore, je pourrais fuir. Je viens de le faire, je n'arrête pas, je fais ça en boucle. Mais c'était inévitable, et déjà engagé depuis des mois. C'était un groupe dans lequel je ne pouvais pas m'investir, ça me coûtait trop et ne m'apportait plus rien, et moi je n'apportais rien non plus.
Alors que là, c'est tout l'inverse. Bon, à part que ça me coûte énormément, mais ça, ben, tout me coûte énormément, ce paramètre ne suffit pas.
J'aimerais essayer. J'aimerais poursuivre. J'aimerais que ça marche. J'aimerais beaucoup de choses.
Je sais que ça ne peut pas durer, je sais que ça s'arrêtera. Peut-être dans un an, deux, dix, peut-être dans un mois.
J'aimerais pouvoir dire que ce n'est pas grave, que je ferai avec, comme toujours, que ça ne m'impactera pas. Je ne peux pas.
Je sais depuis longtemps que je ne dois compter que sur moi-même, que je ne peux me fier qu'à moi puisque je ne fais pas partie du monde, que je n'ai que moi puisque l'extérieur n'existe pas. Peu importe que j'existe ou non.
Combien de temps reste-t-il ? Je n'en sais rien. Mais il faut que je profite de ce qu'il y a, tant que ça dure.
Oui, ça va s'arrêter. Non, ça ne veut pas dire que je dois y mettre fin moi-même tout de suite, en prévision.
Le problème, c'est que, quand je me sens exclu, quand je me sens de trop, quand je me sens envahissant, soit je fuis, soit je fais n'importe quoi. Et quand la sensation arrive, elle ne me quitte plus, ne fait que croître. Au mieux, elle peut ralentir, mais elle finit forcément par tout envahir, et tout détruire.
Pour l'instant, je dois trouver le moyen de limiter les dégâts. Sur moi, surtout.
Et j'ai tenté. J'ai voulu couper ma fuite, quand je l'ai sentie pointer le bout de son nez. Sauf que ça a foiré, forcément, parce qu'encore une fois j'ai pas réfléchi, j'ai mal formulé, j'ai tout fait de travers. Encore une fois, j'ai pas été clair.
L'instinct de fuite prend de l'ampleur, j'ai mis le feu à mes propres poudres en tentant d'apaiser les premières étincelles. Parce que ma façon de faire n'a pas eu l'air de ce qu'elle était, parce qu'encore une fois je ne sais pas pratiquer l'humanité, le langage humain m'est étranger. Manifestement, je n'apprends pas de mes erreurs.
Alors, comment limiter la casse, ça j'en sais rien, mais je vais tenter de ne pas fuir. Pas totalement. Seulement respirer un peu.
Bien sûr, c'est stupide de ma part de m'approcher des gens je sais où ça mène. Il va falloir que je rétablisse mes barrières, au lieu de sauter allègrement par-dessus dans l'excitation du moment.
Parce que je suis un intrus. Donc ça s'arrêtera forcément. Plus je m'attacherai, plus j'ignorerai mes limites, plus dure sera la chute.
Parce que je suis un intrus.
24 juillet.